Originaire de la Sologne, j’ai grandi auprès des trophées de chasses et autres curiosités. J’y ai également développé une réelle fascination pour l’animal sauvage rencontré quotidienne- ment dans son espace naturel. Je suis, depuis de nombreuses années maintenant, un citadin qui constate l’absence du règne animal dans la ville et son extrême fragilité dans la nature. Des questionnements sur le sens à attribuer à cette absence s’en sont alors suivis : sur la part faite au règne animal à travers le temps, sur nos désirs et nos peurs, sur le miroir que cela nous propose.
Il n’est pas une époque où des rapprochements ne soient pas faits à l’animal, évoquant une force (dans la mythologie égyptienne et gréco-latine par exemple) ou encore des traits de caractère (comme ceux dépeints par La Bruyère ou La Fontaine). Ils racontent une identification pleine ou mesurée, admirative ou railleuse et posent, à travers le temps, non plus seulement un rapport à l’animal, mais un rapport à l’autre, un rapport à soi.
« L’acceptation de l’âme animale est la condition de l’unification de l’individu, et de la plénitude de son épanouissement » nous dit le psychanalyste Karl Gustav Jung. Si loin, si proches, que sont-ils vraiment ? Des semblables, des frères ? Les miroirs grossissants de nos envies ou de nos peurs ? Quelle présence dans nos vies, quelles valeurs symbolique, esthétique ou encore morale leur sont-elles réservées dans notre société ? Ce sont ces questionnements qui nourrissent mon travail et mes recherches. Et loin de proposer des réponses, je tends à inviter le spectateur à m’accompagner dans ce questionnement.
La mortalité animale sur les routes est en augmentation dans la plupart des régions du monde. La densification du réseau routier alliée à l’augmentation du nombre de véhicules dont la vitesse moyenne et la distance parcourue explosent, participent à la réduction du territoire de vie de la faune sauvage. Le trafic routier tue des millions d’animaux chaque année et représente une menace importante pour les populations de nombreuses espèces. En effet, loin d’être anecdotique, « Roadkill » est un phénomène d’ampleur qui touche presque toutes les espèces et sur une échelle mondiale. Par exemple, de 89 à 340 millions d’oiseaux meurent par collision chaque année aux États-Unis (Loss et al. 2014). Que ce soit par mortalité directe due aux collisions ou indirecte par l’altération des habitats naturels, leur fragmentation et l’isolation des populations animales, notre mobilité a des conséquences importantes. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité de la faune sauvage. Cette réalité est la clef de voute et le sujet de mes créations depuis près de 10 ans.
Ma pratique artistique est étroitement liée à la taxidermie, au design de mode et d’accessoires et à l’installation. C’est à travers un procédé de récupération et de transformation d’animaux trouvés sur les bords de nos routes que je développe chacun de mes projets. Avec la réactivation de cette matière organique, j’expose la cohabitation de ce qui nous fait hommes et femmes : nos fascinations et répulsions, notre soumission ou rébellion à une morale établie. À travers mes créations, je convoque l’animal pour dévoiler aux hommes notre vanité et notre responsabilité quotidienne et collective. Je tente de provoquer une identifi- cation partielle face à nos voisins mis en péril par notre système de consommation et l’extension de nos territoires. S’identifier à l’animal est pour moi une réelle nécessité, pour les préserver et par extension parler de notre propre survie.
Sylvain Wavrant
Originally from the Sologne region of France, famous for its wooded areas, its abundant game and its sporting estates, I grew up among hunting trophies and other curiosities. There, I also developed a real fascination for wild animals, which I met daily in their natural habitat. Having now been a city dweller for many years, I observe – and deplore – the absence of the animal kingdom in the city, as well as its extreme fragility in nature.
Road accidents are the number one cause of wildlife mortality. This fact has been at the center of my creative process for close to seven years. Using taxidermy to explore fashion and accessory design, as well as installation art, I salvage and transform animals found on the side of the road. By reactivating this organic material, I aim to uncover the duality at the core of our humanity: what fascinates and repulses us, submitting or rebelling against established morals.
The acceptance of the animal soul is the condition of the unification of the individual, and
of the fullness of its fulfillment" psychiatrist Carl Jung tells us. What are they really? How close – how far – are we related? How does society handle their presence in our lives? What symbolic, aesthetic or moral values are assigned to them? These questions feed my work and my research. Far from offering answers, I extend an invitation to the spectator to follow into this investigation. In this collection, the animal is summoned to expose our vanity and our daily collective responsibility. My aim is to enable humans to identify with their neighbors, jeopardized by consumerism and the expansion of human territories. To my mind, identifying with animals represents a real necessity in order to preserve them and thereby addressing the issue of our own survival.
Sylvain Wavrant